Terminale L3 - LETTRES.

CONTROLE DE LECTURE SUR
Le Chevalier de la Charrette

 

  1. Ce roman est-il écrit en prose ou en vers ? A quelle époque a-t-il été écrit ? (1 pt)
  2. Qui en est l’auteur ? Qui a achevé cet ouvrage ? Comment le savez-vous ? (2 pts)
  3. Pourquoi l’auteur entreprend-il l’écriture de ce roman ? Est-il présent dans le texte ? (2 pts)
  4. Quelles sont les sources de ce roman ? (1 pt)
  5. Qui est " le chevalier de la charrette " ? (1pt)
  6. Pourquoi le surnomme-t-on ainsi ? (1 pt)
  7. Sur quelle action commence le roman ? Où se situe-t-elle ? (1 pt)
  8. Quel indice temporel précis permet de dater le début de l’action ? (1 pt)
  9. Etablir le schéma actantiel du roman en prenant pour sujet Lancelot. (2 pts)
  10. Quels sont les principaux obstacles que doit franchir Lancelot ? (3 pts)
  11. Dans quelles circonstances Lancelot recouvre-t-il son honneur ? (1 pt)
  12. En quoi ce roman est-il un roman courtois ? (1 pt)
  13. En quoi ce roman est-il un roman de chevalerie ? (1 pt)
  14. Qu’est-ce qu’une allégorie ? Indiquez deux couples d’allégories qui s’opposent dans le roman. (2 pts)

 

Sujet :

En quoi le titre choisi par Ch. de Troyes pour son roman est-il particulièrement pertinent ?

Ch. de Troyes débute son roman par un prologue où il dévoile les raisons qui l’ont poussé à entreprendre son œuvre ainsi que le titre qu’il entend lui donner : Le Chevalier de la Charrette. Pourquoi ne pas avoir choisi comme dans Yvain ou Perceval de lui donner pour titre le nom du héros éponyme ? Ce titre interpelle le lecteur avec force par sa formulation même mais nous verrons qu’il entretient avec l’intrigue un lien particulièrement significatif et qu’il rythme le récit dans une sorte de leitmotiv lancinant.

Si l’on procède à un examen méthodique de ce titre, on ne peut que se féliciter du choix de son auteur. En effet, Ch. de Troyes suscite à la fois notre curiosité - qui est ce chevalier sans nom ? - et oriente notre lecture, l’épisode de la charrette étant un moment clé du roman.

D’emblée ce titre nous informe sur la nature du texte que nous allons lire : il s’agit de toute évidence d’un texte narratif, une histoire est déjà inscrite en filigrane dans le mot " chevalier " ce dernier ne pouvant être que le héros du récit. Pourtant, est-ce simple jeu ou peut-on discerner un calcul habile de l’auteur ? ce dernier terme est étrangement associé au mot " charrette " par le rapprochement d’un même phonème [ò ] et la majuscule qui les affecte. Qui plus est, il y a comme une dissonance, quelque chose de paradoxal dans l’association de ces deux termes manifestement antinomiques qui ne laisse pas de surprendre. L’emploi du déterminant " la " devant le mot " charrette " laisse entendre qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle charrette mais d’une charrette bien précise, celle qui véhicule par les rues truands et malandrins, criminels et vauriens de toute espèce : la charrette d’infamie, c’est ce sens connoté qui est immédiatement perceptible pour un lecteur du XIIe siècle. C’est donc cet objet vil, comme le souligne la préposition " de ", qui devient l’objet emblématique de notre chevalier à l’instar du lion animal emblématique d’Yvain, le chevalier au lion.

Ce titre fait en outre implicitement référence à un passage clé du roman. Il renvoie en effet à l’épisode où Lancelot, démuni de toute monture, parti à la recherche de Guenièvre, doit comme le lui propose le nain qui conduit la charrette d’infamie monter dans la charrette s’il veut obtenir les informations nécessaires pour pouvoir délivrer la reine des mains de son ravisseur.

Or, cet épisode n’est pas sans conséquences et cette première épreuve sera déterminante pour la suite de sa quête mais également sur son destin. Le thème central de l’œuvre se trouve ainsi mis en lumière puisque Lancelot - après un temps d’hésitation, il est vrai - est le chevalier qui va sacrifier son honneur, sa réputation pour sauver sa Dame en acceptant de monter dans l’infâme charrette. Ce faisant, il agit, à la différence de Gauvain, en véritable chevalier courtois qui seul est capable de placer Amour plus haut que Raison. On peut dire que ce titre a pour fonction de clamer ce combat entre Raison et Amour et de promouvoir les nouvelles valeurs de l’Amour courtois, en un sens, il est comme une métaphore de l’amour courtois.

Cet épisode est également essentiel dans la destinée du héros puisque désormais ce chevalier sans nom ne sera plus désigné que par ce sobriquet de " chevalier de la charrette " et les sarcasmes ne cesseront de pleuvoir à son encontre, il devient la risée de tous, objet de tous les mépris. Il faudra attendre le vers 3660 pour avoir enfin la clé de l’énigme enfermée dans le titre de l’œuvre : le chevalier de la charrette est Lancelot du Lac comme se plaît à le dire Guenièvre à la jeune pucelle émerveillée par les prouesses de ce chevalier à nul autre pareil.

Ainsi, Le Chevalier de la Charrette étant non seulement le titre mais aussi le surnom du héros éponyme, apparaît comme un fil directeur dans l’œuvre de Ch. de Troyes et cette expression revient comme un leitmotiv qui rythme le récit. Il suffirait pour s’en convaincre de compter le nombre d’occurrences de cette expression dans le cours de la première partie du roman, il n’y en a pas moins d’une bonne dizaine ! Les uns reprochant à Lancelot d’être monté dans la charrette, les autres, en l’occurrence Guenièvre, lui reprochant de ne pas avoir été assez prompt à le faire...

Mais, ce que ce titre et sa constante répétition dans le cours du roman dit explicitement, c’est le caractère unique du héros puisqu’aussi bien il est " le " chevalier de la charrette, celui qui entre tous a été élu, celui qui seul pouvait sacrifier son orgueil à de plus hautes valeurs, ce que au demeurant nous révèle de façon très nette la scène du cimetière. Lancelot est bien le chevalier de la charrette et par un curieux effet de renversement ce qui était signe d’infamie devient signe d’élection. Nul ne devient chevalier de la charrette s’il n’a pas été choisi, Gauvain simple chevalier en sait quelque chose et c’est peut être pour cela qu’avec malice Ch. de Troyes le met dans une situation bien ridicule lors du passage du Pont sous l’Eau, son orgueil de chevalier lui a interdit à tout jamais ce qui est échu à Lancelot : être le chevalier de la charrette, celui que la première Guenièvre nommera par son nom, signifiant ainsi l’estime dans laquelle elle le tient.

Il apparaît ainsi qu’un titre est un élément constitutif du texte, essentiel, il n’est ni une simple indication ni un ornement. Dans le cas de Ch. de Troyes l’on se rend compte que c’est bien dès le titre que se conclut entre l’auteur et son lecteur un véritable pacte de lecture, tout est déjà annoncé, amorcé, le titre a bien pour fonction d’orienter notre lecture et de faire de nous des lecteurs actifs qui sont partie prenante dans l’achèvement de l’œuvre par l’acte de lecture de ces mots liminaires qui constituent le titre. Mais ici, quel titre ! Il y a là plus que la simple volonté de créer un suspens, tout cela procède d’un talent rare.

 

UNITE DES QUETES DE LANCELOT

Sujet du Bac - session de Juin 1997
Approche du sujet :

Prendre le temps de lire le sujet attentivement, c-à-d rechercher les mots clés.
Ici : quêtes, commencer par s’interroger sur le sens du terme dans le contexte médiéval.

Dict. quête n. f. • XIIe; lat. quæsita, fém. subst. du p. p. de quærere
Vx Action d'aller à la recherche (de qqn, de qqch.). La quête du Graal

Le terme est au pluriel, ce qui implique que l’on commence par les recenser, les identifier.

 

Faire un effort de réflexion, dégager la problématique.
unité des quêtes, ce qui sous-entend qu’il faudra essayer de voir comment par delà la pluralité des quêtes (lesquelles ? quête de l’aventure, quête amoureuse, libération des prisonniers, lutte contre le mal, quête de soi), leur diversité, elles peuvent être reliées.

 

Noter des références précises au texte.

 

Penser à l’organisation d’ensemble du devoir.

  1. une entrée en matière brève et efficace sans considérations inutiles. Il faut cibler.
  2. un développement organisé pas forcément en 3 parties, mais la réponse doit faire apparaître une idée directrice.
  3. une clôture explicite du développement.

 

Dans la littérature médiévale, le thème de la quête est une caractéristique des romans de chevalerie, tous mettent en scène un chevalier errant parti sur les routes en quête d’aventures. Dans Le chevalier de la charrette de Ch. de Troyes, le héros n’échappe pas à cette règle, puisque venu de nulle part il surgit inopinément dans le roman (p 24) alors que Gauvain s‘est élancé à la poursuite de Méléagant qui vient d’enlever la reine. Très vite nous apprendrons que le mobile de Lancelot est l’amour qu’il voue à Guenièvre, objet de sa quête amoureuse, très vite aussi nous nous apercevrons qu’à cette quête se rattachent d’autres quêtes tout aussi importantes, les unes se rattachant directement à la première, les autres semblant s’en éloigner, toutes cependant trouvant leur unité dans la quête du " moi " de ce chevalier sans nom.

Lancelot s’impose bien dès les premières pages comme un chevalier errant soucieux de sa gloire et en quête d’aventures assez semblable aux héros des autres romans de l’époque. Lors de sa première rencontre avec Gauvain, il vient littéralement de tuer son cheval sous lui " tant il l’avait ce jour-là fatigué, tourmenté et surmené. " (p 25). Un peu plus loin, Gauvain lancé à sa poursuite " retrouva mort le cheval qu’il avait donné au chevalier et il vit le sol tout piétiné par des chevaux et tout autour, un amas de lances et d’écus brisés. " A n’en pas douter notre chevalier sans nom vient d’accomplir un nouvel exploit. Il n’est d’ailleurs pas au terme de ses peines puisque tout au long du roman les aventures vont s’enchaîner au fil des jours et à ce titre, Le chevalier de la charrette est un roman d’aventure palpitant. Que l’on en juge ! Dans la seule première partie du roman on ne dénombre pas moins d’une dizaine de rencontres (le nain, l’élégante demoiselle, le chevalier du gué, la demoiselle entreprenante, l’impatient prétendant, le vieux moine, le vavasseur, le gardien du défilé, le traître, le chevalier orgueilleux, la jeune fille à la mule fauve), dans l’ensemble du roman nous assistons à plus de dix combats et les épreuves auxquelles est soumis le héros ne sont guère moins nombreuses. Naturellement, Lancelot est toujours vainqueur.

Mais, bien plus que l’aventure, c’est l’amour qui guide Lancelot. Il semblerait en effet que Lancelot, bien avant qu’il n’apparaisse dans le roman soit déjà parti en quête de l’amour de la reine alors qu’il était absent lors de l’enlèvement de cette dernière. La question qu’il adresse au nain ne laisse aucun doute à ce sujet : " Nain, au nom du ciel, dis-moi donc si tu as vu passer par ici ma dame la reine " (p 26). C’est " amour qui est enclos dans son cœur " qui le pousse à agir, c’est lui qui sous forme d’allégorie est évoqué régulièrement par l’auteur comme pour mieux insister sur le motif de la quête de Lancelot et Bademagu n’hésite pas un instant lors de sa première entrevue avec Lancelot : " Je m’en vais aisément deviner l’objet que poursuit votre quête. La reine je crois, est celle que vous cherchez. - Sire, fait-il, vous devinez juste, aucune autre tâche ne m’amène ici. ". C’est cette quête amoureuse qui conduira Lancelot à accomplir maints exploits et à surmonter des obstacles tous plus terrifiants les uns que les autres.

Cette quête amoureuse entraîne Lancelot dans une autre quête puisque le sort de la reine est lié à celui des prisonniers du royaume de Logres au royaume d’où nul ne revient : il lui faut délivrer les prisonniers ! Ce faisant, Lancelot obéit aux valeurs chevaleresques, comme tout jeune homme noble fraîchement adoubé il se doit de défendre les faibles et les opprimés et de se poser en défenseur du Bien en lutte contre le Mal. C’est là l’origine des combats qui l’opposent soit à tel ou tel malotru qui tente de porter atteinte à l’honneur d ‘une jeune fille, soit à un prétendant trop empressé, soit aux gens du royaume de Gorre, soit à Méléagant lui-même, belle occasion de montrer comment le héros se conforme en tous points aux règles très strictes de la chevalerie.

Ainsi, au cours de cette double quête qui verra son accomplissement dans la nuit d’amour avec la reine et la libération des prisonniers, Lancelot, confronté à la double exigence de l’amour et de la chevalerie se forge une identité.

Chevalier inconnu avant toute chose, chevalier de la charrette par dérision ensuite, Lancelot conquiert tout d’abord un nom. Le suspens est ici savamment entretenu puisque chevalier sans nom (" un chevalier ") lors de sa rencontre avec Gauvain, son nom ne nous est jamais révélé dans la première partie du roman - soit environ 90 pages ! - pas même lorsque dans la scène du cimetière futur le vieux moine prie instamment Lancelot de lui dire qui il est : " Qui êtes-vous et de quel pays ? - Je suis un chevalier, vous le voyez, et je suis né au royaume de Logres. ". Ce n’est que lors du premier combat contre Méléagant que à la demande d’" une jeune fille intelligente " (" Que ne savait-elle son nom ! ") le nom du vaillant chevalier est enfin prononcé par la reine : " Lancelot du Lac, c’est le nom du chevalier, que je sache ".

Illustre inconnu, au début du roman Lancelot n’est rien, il fait même sourire tant sa fougue et sa soif d’aventures le rendent ridicule : il n’a plus de cheval, il part à bride abattue pour Dieu seul sait quel destin et les écus et les lances brisés s’accumulent partout où il passe ! A la fin du roman Lancelot a non seulement un nom mais il s’est fait un nom, il a montré qui il était, en ce sens on peut légitimement parler d’une quête de l’identité. L’évolution du personnage est telle au cours du roman que Le chevalier de la charrette peut être vu comme un roman d’apprentissage - si cette notion a un sens dans la littérature médiévale - en tout cas, les multiples épreuves auxquelles Lancelot est soumis témoignent de ce souci de faire de ce roman un roman d’initiation, les obstacles que doit surmonter Lancelot sont autant de moyens pour tester ses qualités physiques et morales (son courage, sa force, sa vaillance, sa bravoure, sa fidélité, sa foi, sa loyauté, etc.). Au terme du dernier combat contre Méléagant - et du roman - Lancelot est un chevalier accompli qui suscite l’admiration et l’estime de tous : " Le roi, ainsi que tous les autres, en ont montré beaucoup de joie [...] et l’emmènent dans l’allégresse. ".

Lancelot a prouvé qui il était, il sait également qui il est. Chevalier errant il se sait investi d’une haute mission, la scène du cimetière futur est très explicite : " Celui qui lèvera cette dalle par lui seul délivrera tous ceux et celles qui sont en prison au pays dont nul ne sort, ni serf ni noble, à moins d’y être né. " La suite ne déçoit en rien nos attentes de lecteurs impatients : " Aussitôt le chevalier empoigne la dalle et il la soulève. ". Lancelot est donc celui qui est choisi pour délivrer du Mal ceux qui sont prisonniers au royaume de Gorre. Les épreuves que doit affronter Lancelot prennent alors une autre signification et Lancelot, nouveau Christ, vit une véritable Passion, promu Sauveur il doit se sacrifier pour délivrer ceux pour lesquels son statut de chevalier élu lui impose de tout risquer, même la vie.

Pourtant, le mobile de toutes ses actions, Lancelot le trouve dans l’amour courtois qu’il voue à sa reine. En effet, où qu’il soit - forêt, château, lande, bord d’une rivière, route ou haute tour - Lancelot ne pense qu’à sa Dame. C’est cet amour qui lui permet de se découvrir, de s’imposer comme un parfait chevalier alors qu’au début du roman il n’offrait que l’image d’un chevalier un peu ridicule. Plaçant plus haut que tout le culte de sa Dame, Lancelot est capable de se transcender, de surmonter la souffrance, de vaincre son orgueil, de taire son nom et d’accepter les pires insultes et outrages. Il faut savoir mourir au monde et à soi pour pouvoir être, disent les religieux et les psychanalystes, tel est bien le parcours de Lancelot qui accepte de se couvrir de honte en montant dans la charrette d’infamie pour pouvoir délivrer sa reine, qui encourt l’opprobre en combattant au pire lorsque sa Dame le lui demande, qui risque sa vie en choisissant la voie étroite, le Pont de l’Epée, en sachant bien que " jamais personne ne l’a franchi ".

Finalement, ce qui fait l’unité des quêtes de Lancelot est là : la soumission aux règles de l’amour courtois lui permet de se réaliser en tant que parfait chevalier et homme à la différence de Méléagant. Sa soif d’aventures est étanchée, sa quête amoureuse comblée, il a libéré les prisonniers et vaincu le Mal, il sait qui il est. Amour est don de soi, total, et c’est en se perdant en l’autre que l’on se trouve et s’accomplit, telle pourrait bien être le message que Ch. de Troyes a voulu nous délivrer tout en nous entraînant dans l’univers merveilleux du roman arthurien. Peut-être pourrait on voir dans ce roman une signification plus symbolique encore, elle n’est pas impossible tant les préoccupations religieuses des hommes du Moyen-Age différaient des nôtres.

 

Production du groupe Lettres

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