La poésie
française face aux épreuves
de la deuxième guerre mondiale
La poésie, et surtout la poésie lyrique, est éminemment personnelle.
Les poètes sont divers et préoccupés essentiellement de l'analyse et de l'expression de
leurs sentiments. Mais parfois la violence des circonstances historiques pèse sur leur
évolution artistique et les thèmes qu'ils abordent.
Le mouvement surréaliste avait marqué l'entre deux guerres. C'est
pourquoi le groupement ci-dessus pourrait être sous-titré "du surréalisme à la
poésie nationale" ou encore "du surréalisme à la Résistance". Un tel
sous-titre aurait l'avantage de rendre compte globalement de l'évolution d'une grand
nombre de poètes, des plus connus en tout cas. Ce serait toutefois une simplification
abusive faisant peu de cas de l'évolution particulière de chacun.
Rappelons quelques caractéristiques de la poésie surréaliste: refus
de la logique "cartésienne", goût pour l'irrationnel et la fantastique,
intérêt pour la folie comme forme supérieure de la connaissance et source de création
artistique, écriture "automatique" (libre expression de l'inconscient
débarrassé des barrières de la morales), profusion et liberté des images, rejet des
formes poétiques traditionnelles et du "bon goût", refus de faire
"servir" la poésie à quelque cause que ce soit…
… et citons quelques vers typiques d'Eluard, Capitale de la
douleur, 1926:
La courbe de tes yeux fait le tour de mon
coeur
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
La Guerre et surtout l'Occupation posent divers problèmes aux poètes:
- problèmes matériels: comment publier, dans quelles revues, face à la censure
allemande et vichyssoise?
- problèmes moraux: la poésie peut-elle encore être libre et indépendante?
- problèmes politiques: le poète peut-il, doit-il engager son art dans la lutte, la
Résistance? D'autres écrivains d'ailleurs voudront mettre la poésie au service de la
"Révolution Nationale" et du pétainisme.
L'objet de ce groupement est d'étudier quelques-unes des réponses
données à ces questions.
On peut distinguer en gros quatre attitudes:
- Un certain nombre de poètes, souvent anciens surréalistes, s'engagent dans la
Résistance, dont beaucoup dans des organisations proches du parti communiste, et
pratiquent une poésie "engagée", comme Aragon, Eluard. D'autres écrivains
résistants se rattachent au gaullisme: Pierre Emmanuel, Maurice Druon, Joseph Kessel.
- Quelques rares écrivains s'engagent du côté de la Collaboration: Drieu La Rochelle,
Brasillach et Céline sont les plus notoires.
- Certains surréalistes, voulant rester fidèles à leurs principes, refusent tout
engagement de la littérature et en particulier de la poésie. Benjamin Péret, en
réponse à la brochure militante d'Aragon, L'honneur des poètes, publie un
pamphlet intitulé Le déshonneur des poètes. On peut penser que l'évolution
ultérieure de la poésie d'Eluard et d'Aragon, avec quelques poèmes lamentables à la
gloire de Staline, justifie à postériori en partie les critiques de Péret. Il n'y a
qu'un pas, comme le faisait remarquer Camus, de l'engagement à la propagande.
- D'autres écrivains enfin refusent de publier sous l'Occupation, pour des raisons
diverses, comme René Char. Pourtant les Carnets d'Hypnos ou Fureur et Mystère
de Char (chef de maquis en Haute-Provence) publiés en 1946-1947 font sans aucun doute
partie de la poésie de la Résistance.
P. Emmanuel, préface de l'anthologie de Poètes d'Aujourd'hui (Seghers)
"La guerre me révéla cette sensibilité que je n'ai cessé de traduire depuis et
d'abord dans mes poèmes de résistance…"
R. Desnos "Demain" (1942)
Âgé de cent mille ans, j'aurais encor la force
De t'attendre, ô Demain pressenti par l'espoir.
P. Eluard, Au rendez-vous allemand, 1942
Paris a froid Paris a faim
Paris ne mange plus de marrons dans la rue
Paris a mis de vieux vêtements de vieille
Paris dort tout debout sans air dans le métro
Plus de malheur encore est imposé aux pauvres…
R. Char, Fureur et mystère, 1948
A chaque effondrement des preuves
le poète répond par une salve d'avenir.
Pourquoi ce renouveau de la poésie pendant la guerre? Peut-être parce
qu'à un moment où la parole officielle prône l'acceptation de la défaite, voire la
collaboration, la poésie est un lieu de liberté dans la mesure où elle manipule
métaphoriquement le langage. Déjà par sa façon d'utiliser les mots différemment du
langage ordinaire, elle est un espace de liberté. Pour lutter contre l'envahisseur nazi,
le langage codé ou métaphorique de la poésie servit souvent de paravent à la
transmission de messages en faveur de la Résistance.
Cependant "… pour les vrais poètes, les moments et les
mouvements de l'histoire ne servent jamais que de points de fixation, de signes pour
d'autres événements, d'autres pulsions. D'ailleurs une poétique de l'engagement ne
résout pas le problème essentiel qui est de langage, puisque nous voyons Aragon lier
l'engagement à une prosodie néoclassique et d'autres, au contraire, à une a-poésie
s'humiliant dans le langage élémentaire de l'énonciation et de
l'interjection…" (Histoire des Littératures III, Encyclopédie
de la Pléiade). Il existe de grandes oeuvres engagées, mais elles nous intéressent
moins par leur efficacité en leur temps que par la valeur encore actuelle des problèmes
humains qu'elles posent. Cette valeur ne se maintient que par un style, alors que d'autres
oeuvres, tout aussi engagées, ont disparu dans l'oubli.
Pour le (date impérative)
A partir des manuels du CDI (dictionnaires, encyclopédies), rédiger 2
pages max. sur la poésie française de 1939 à 1947.
A relever: évolution, auteurs, oeuvres, revues de poésie. Citer
quelques vers significatifs.
Quelques noms d'auteurs: Aragon, Eluard, Char, Brasillach, Michaux,
Ponge, Péret, Tardieu, Desnos, P. Emmanuel, Cendrars, Cocteau, Max Jacob, Breton.
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