ETUDE D'UN
TEXTE LITTERAIRE
RONSARD
"Je vous envoie un bouquet que ma main"
Je vous envoie un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanies1 ;
Qui2 ne les eût à ce vespre3 cueillies,
Chutes à terre, elles fussent demain.
Cela vous soit un exemple certain
Que vos beautés, bien qu'elles soient fleuries,
En peu de temps cherront4 toutes flétries,
Et comme fleurs, périront tout soudain.
Le temps s'en va, le temps s'en va, ma Dame,
Las ! le temps non, mais nous nous en allons,
Et tôt serons étendus sous la lame5;
Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts, n'en sera plus nouvelle ;
Pour c'6aimez-moi, cependant qu'êtes belle7.
Continuation des Amours, 1555 (orthographe modernisée)
1- Epanouies. 2- Si on ne les avait. 3- Ce soir. 4- Futur du verbe choir,
tomber. 5- La pierre du tombeau. 6- Ce (cela), élidé. 7- Pendant que, tant que vous
êtes belle.
QUESTIONS
I
- Définissez dans ce sonnet le mètre et les caractéristiques des rimes. Lisez dans
votre Anthologie d'autres sonnets de Ronsard. Que présente celui-ci de
particulier ?
- Observez le nombre de phrases, les marques de la personne, les temps et les modes
des verbes : qu'en concluez-vous sur la structure de ce poème ?
- Quelle figure de style marque le vers 8 ? Comment le poète la
prépare-t-il ?
- Etudiez la syntaxe, les rythmes et les sonorités du premier tercet : quels
effets produisent-ils ?
II
- Comment la hantise du temps et de la mort, si familière à Ronsard,
s'exprime-t-elle ici ? Quel accent donne-t-elle à la stratégie amoureuse du poète ?
- Confrontez ce sonnet et l'ode "Mignonne, allons voir si la rose" :
vous mettrez en évidence leurs points communs et leurs différences.
RONSARD
Mignonne, allons voir si la rose
Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait
déclose1
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu cette vesprée2
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace3,
Mignonne, elle a dessus la place,
Ses beautés laissé choir4 !
Ô vraiment marâtre Nature
Puisqu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté. |
1- Ouvert. Accord selon l'ancienne règle.
2- Soirée.
3- De temps.
4- Tomber.
Ronsard, Quatre Premiers Livres des odes, 1550 (orthographe modernisée) |
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