Label, charte jaune Etude de Si c'est un homme, de Primo Levi
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Quelle vision P. Levi donne-t-il des Allemands dans Si c'est un homme ?

I. « La banalité du mal »

• Des Allemands relativement peu présents dans l’œuvre : par exemple peu de S.S dans le camp.

• Insistance sur la « normalité » des ces Allemands : beaucoup de civils (les jeunes filles du labo, Pannwitz ) a priori présentant tous les signes de normalité et d’insertion dans la société.

• Des fonctionnaires qui effectuent le mal de manière détachée, dans le cadre de leur emploi : cf. le jeune SS qui frappe un de ses amis à l’arrivée sans haine, mais parce que c’est son métier.
Levi refuse de représenter les Allemands qu’il a côtoyés comme des fous ou des sadiques. Il s’emploie à souligner leur normalité et par là, la puissance du nazisme.


II. Des humains inhumains

• La folie des Allemands : « avoir tout perdu sauf la raison » (Finkielkraut) : cf. la folie géométrique.

• Des rapports à autrui faussés : l’autre comme objet (cf. Pannwitz et l’examen de chimie).

• Des non-hommes : cf. les métaphores qui les animalisent et la fin du chapitre 17.

 

III. Comprendre – juger –pardonner ?

• Absence des haine manifeste chez Levi : volonté de comprendre comment des hommes peuvent en venir à une telle inhumanité. cf. Pannwitz : « Si je pouvais expliquer » ( à opposer à Semprun : « les S.S sont nuisibles il faut les exterminer »).

• Cette absence de haine n’empêche pas un jugement et une condamnation des Allemands : explicite à la fin de l’examen de chimie, implicite par l’ironie quand il décrit les chefs des blocks qui achètent ses jetons.

• Le pardon est une potentialité mais ne se réalise pas dans l’œuvre : comme disait Levi, pour pouvoir pardonner, il faut qu’il y ait un repentir en face. Néanmoins, toute sa vie volonté de comprendre (cf. le Dr Muller du Système périodique).

 

 

Quelle est la représentation du temps dans Si c’est un homme ?

I. L’annulation du temps

• Un des premiers gestes effectué à l’entrée au camp est de retirer la montre des prisonniers et de graver à cet endroit de leur bras le tatouage : le temps quotidien de la vie civile est remplacé par le temps du Lager différencié au Meister qui lui garde sa montre.

• Le temps du Lager est une sorite du temps : plus de passé / plus d’avenir (cf. le temps présent employé dans le récit).

• Le temps au Lager est absence de temps, car temps cyclique : les jours sont pareils les uns aux autres (cf. les titres génériques des chapitres : « nos nuits », « le travail »).

• De nombreuses métaphores insistent sur la matérialisation du temps en un solide compact et gris.


II. Le temps biologique

• Les repères chronologiques ne sont plus humains ni sociaux.

• Au lager, le Haftling retrouve un temps biologique presque animal : ce sont les saisons, le soleil qui lui servent d’horloge.

• Les besoins biologiques jouent aussi ce rôle : la faim, le sommeil, le seau « il doit être un peu plus 23 h car les allées et venues au seau se font plus nombreuses ».

• Le Haftling ne vit que dans l’instant comme un animal : « jamais se dit demain matin ».

 

III. Le retour de la chronologie

• A partir du chapitre 10 les repères chronologiques refont leur apparition, et des dates apparaissent dans les titres des chapitres :
« événements de l’été », « octobre 44 ». De plus, Primo et Alberto font des projets d’avenir.

• L'histoire fait à nouveau irruption dans le camp : échos de la lutte extérieure : ghetto de Varsovie, liquidation du camp de Lublin, les Russes à 90 km.

• Chapitre 17 : la chronologie redevient précise, heure par heure, jour par jour : temps d’action et non d’attente.

 



Quelle est la place de la religion dans Si c’est un homme ?

I. Une place apparemment mineure

• Levi était très éloigné de la religion juive avant son arrestation. Il est d’ailleurs tombé comme partisan.

• La religion occupe une place tout à fait secondaire dans la vie du camp : ainsi, Levi parle de la « présence incongrue » d’un clocher près du camp et les Allemands interdisent les pratiques religieuses.

• Le camp aboutit à pervertir les fondements de la religion : le vieux Kuhn prie pour remercier de la mort d’un homme.

 

II. L’objet d’un intense questionnement

• Certains prisonniers religieux provoquent chez Levi un forme de respect et de fascination : on pensera au rabbin Mendi, « petit homme fin, tenace et courageux » qui trouve dans sa foi la force des rester un homme et même de tenir des conversations théologiques.

• Le Lager a aussi développé chez Levi le sentiment de l’appartenance au peuple juif : il a manifesté une grande curiosité pour le yiddish et a ressenti « l’antique douleur du peuple qui n’a pas de patrie ».

• Toutefois ce sentiment identitaire n’a pas débouché chez Levi sur une remise en cause de son athéisme. Au contraire le camp a été la révélation de l’inexistence de Dieu : « aujourd’hui je pense que le seul fait qu’un Auschwitz ait pu exister devrait interdire à quiconque , de nos jours de prononcer le mot de providence ».

 

III. Une référence littéraire, un moyen de penser le Lager

• La religion est finalement avant tout présente comme un creuset dans lequel l’écrivain puise un certains nombres de références, de métaphores et de comparaisons : genèse et apocalypse dans « les 10 derniers jours » par exemple, tour de Babel, etc.

• Mais si Levi utilise des références bibliques, il les vide de leur contenu religieux : cf. Schéma au début du recueil qui refuse l’existence de Dieu et affirme les valeurs de l’humanité pour remplacer les valeurs divines défaillantes. De même, s’il a parfois conscience de participer à l’écriture d’une nouvelle Bible, ce serait celle d’un monde sans Dieu.

• Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que le vocabulaire religieux est utilisé par Levi lorsqu’il évoque son travail d’écrivain, dans le Système périodique : la littérature comme foi.

 

Conclusion : insister sur le scepticisme de Levi qui quelques mois avant sa mort, ajoutait au crayon dans la marge d’une interview dans laquelle il avait proclamé son athéisme : « je doute et je ne cesse de m’interroger ».

 

Caroline Veaux,
Lycée Frédéric Mistral, Avignon - juin 2002

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