II – L’évaluation diagnostique de septembre 2003

Comment les élèves ont-ils été évalués ?

Plusieurs types d’écrits ont été analysés en français et deux d’entre eux ont été retenus pour procéder à une évaluation diagnostique chiffrée aussi précise que possible : une dictée (de 69 mots) et une rédaction (celle qui figure dans les cahiers d’évaluation d’entrée en 6 ° de 2003). (cf. annexe 1)

Dix classes de 6 ° ont effectué la même dictée et la même rédaction (dont 5 sixièmes de collèges témoins). Les erreurs ont ensuite été relevées puis classées en différentes catégories pour pouvoir être quantifiées (cf. grille en annexe 2).

Les grandes catégories étaient :

  1. Les erreurs grammaticales
    • Les accords (accords déterminant-nom / accords adjectif-nom / accords sujet-verbe / accords du participe passé)
    • Les homonymes grammaticaux ( a-à / et-est/ on-ont / sont – son / ou- où / ces-ses / mes-mais ….)
    • Les erreurs d’homophonie verbale sur le son [e] (participe passé, infinitif, imparfait ?)
    • Les erreurs de conjugaison (présent- imparfait – passé simple – futur – passé composé- plus-que-parfait – impératif présent)

    1. Les erreurs lexicales : accents, erreur d’usage, homophones lexicaux.
    2. Les erreurs liées à des confusions phonie-graphie
    3. Des erreurs dans l’utilisation de la ponctuation (majuscules, ponctuation forte et apostrophe)

    Des écrits réalisés dans d’autres disciplines ont également été analysés, mais pas de manière chiffrée car ils étaient souvent trop différents d’un établissement à l’autre et très courts, puisque produits en début d’année. L’analyse a surtout porté sur les écarts constatés avec les écrits de français.

    Commentaires des résultats pour l’ensemble des établissements évalués (cf. annexe 3)

    L’erreur commise le plus souvent à l’entrée en sixième est l’erreur lexicale puisque sur les dix collèges où l’expérience a été menée, cette erreur arrive 9 fois sur 10 en tête avec un taux moyen de 27,8 %. (Moyenne des pourcentages d’erreurs lexicales sur le nombre total d’erreurs commises par la classe.)

    En deuxième position, arrivent les accords erronés : 23,7 % des erreurs sont des erreurs d’accord. (Ce type d’erreurs est le deuxième le plus fréquent pour 8 établissements et le premier type d’erreurs pour le neuvième établissement.)

    Pour les autres types d’erreurs, les scores ne sont pas aussi importants et un problème se pose lors des analyses des résultats ; en effet, deux types d’erreurs sont particulièrement récurrents : les erreurs sur les homophones grammaticaux et les erreurs sur les homophonies verbales (le son [e]). Or, ces deux types d’erreurs relèvent d’une même confusion dans l’esprit des élèves : une erreur d’analyse entre deux formes qu’ils entendent de manière identique mais qui, grammaticalement, n’ont pas la même « identité ». Si on additionne les pourcentages obtenus pour ces deux types de fautes, très similaires, on parvient à un taux de 21,3 % sur l’ensemble des collèges. Ce type d’erreurs est donc le troisième par ordre d’importance.

    Pourcentages moyens obtenus sur l’ensemble des 10 collèges :

    Des disparités selon les établissements ?

    Certains résultats offrent parfois des ressemblances intéressantes d’un établissement à l’autre. Il est étonnant, par exemple, de constater à quel point les pourcentages obtenus par les erreurs lexicales sont proches dans les différents établissements.

    Par contre, quelques disparités apparaissent à l’examen des données chiffrées recueillies ; en effet, selon les établissements, le nombre moyen d’erreurs commises peut varier du simple au double : ainsi dans le collège de Briançon, le nombre moyen d’erreurs est de 36 alors qu’il est de 61 au collège de la Belle de Mai (ZEP). Si l’on s’intéresse au nombre d’erreurs commises sur 100 mots (cf.p. 9), on peut observer par exemple qu’au collège de Plan-de-Cuques, un élève va commettre en moyenne 22,2 erreurs sur 100 mots écrits (dictée et rédaction) alors qu’au collège de la Belle de Mai, un élève en commettra 29,4.

    La maîtrise de la ponctuation est très inégale : le collège où les élèves semblent le plus en difficulté est le collège de Pertuis (15 % des erreurs) et celui où les élèves semblent avoir acquis cette maîtrise est le collège Malraux avec 4,2 % des erreurs.

    Commentaire des résultats

    Avant de réaliser cette évaluation chiffrée, les intervenants de cette recherche - action n’auraient sûrement pas classé les types d’erreurs dans le même ordre. En effet, un professeur a souvent l’impression que ses élèves commettent un très grand nombre d’erreurs sur les homophones, les accords et les conjugaisons ; mais a-t-il conscience que les erreurs lexicales sont le premier type d’erreurs ? Une des explications réside peut-être dans le fait que les erreurs lexicales étant par nature, très différentes d’un mot à l’autre, elles marquent moins l’esprit du correcteur, par rapport à une erreur systématique sur toutes les terminaisons [e]. On peut également penser que les erreurs grammaticales sont plus facilement envisagées par les professeurs de lettres, dans la mesure où une réponse plus familière, par l’analyse grammaticale, peut leur être apportée, alors que l’enseignement du lexique reste davantage problématique. Enfin, on ne peut manquer de rapprocher ce constat des scores d’échec très importants que l’on observe lors de l’évaluation nationale à l’entrée en Sixième sur les items indiquant la maîtrise de l’orthographe lexicale.

    De la même façon, les pourcentages obtenus sur les erreurs de ponctuation ne sont pas si importants que l’on aurait pu le craindre … peut-être parce que la maîtrise de la ponctuation (tout au moins la ponctuation « forte » de chaque phrase) semble exigible à l’entrée en sixième et que l’on est donc particulièrement sensible à sa maîtrise.

    Il est important de souligner qu’une évaluation rigoureusement scientifique est difficile à mettre en oeuvre dans la mesure où il a été choisi d’évaluer l’orthographe dans un écrit spécifique (la dictée) mais aussi dans des écrits « spontanés », en tout cas plus autonomes (la rédaction) : de ce fait, les élèves les plus pénalisés ne sont pas forcément ceux que l’on croit … En effet, un élève en très grande difficulté, en ZEP ou non, réalise souvent une production écrite très courte, alors qu’un élève d’un bon niveau pourra écrire un très bon récit, beaucoup plus long, donc beaucoup plus riche en vocabulaire, mais dans lequel son nombre d’erreurs sera plus important, alors qu’il aura moins de temps pour se relire. Ainsi un élève qui a rédigé un texte de 5 lignes peut commettre le même nombre d’erreurs qu’un élève qui aura rédigé deux pages, et pourtant ses compétences ne sont pas du tout les mêmes.

    Pour tenter de remédier à cette inégalité de longueur des écrits, pour que les résultats soient plus pertinents et que les comparaisons puissent être réalisées correctement, on a calculé le nombre d’erreurs pour 100 mots écrits par les élèves, en dictée et en rédaction. Dans le tableau suivant figurent les résultats obtenus sur l’ensemble des 10 collèges.

     

     

    Oraison

    L’Estaque

    Plan de Cuques

    Clair soleil

    Belle de Mai

    Malraux

    Riez

    Septèmes

    Pertuis

    Briançon

    Nombre moyen d’erreurs en dictée

    32,9

    27,6

    19,1

    29,8

    36,1

    29,2

    25,2

    27,7

    21,1

    21,1

    Nombre moyen d’erreurs en rédaction

    17,8

    18,4

    10,7

    14,6

    22,7

    17,2

    16,7

    14,8

    17,6

    11,6

    Nombre moyen d’erreurs

    25,4

    23

    14,9

    22,2

    29,4

    23,2

    20,9

    21,2

    19,3

    16,3

     

    Le nombre d’erreurs est indiscutablement plus important, au début de l’année, dans les dictées que dans les rédactions.

    Les erreurs lexicales, notamment, sont commises très souvent en plus grand nombre dans la dictée que dans la rédaction, ce qui s’explique sûrement par le fait que la dictée est un écrit imposé, avec un vocabulaire que les élèves ne connaissent pas forcément alors que la rédaction est un écrit relativement autonome, dans lequel ils peuvent choisir d’employer des mots dont le sens leur est connu. De plus, dans ces écrits  « personnels », les tournures syntaxiques sont souvent moins variées, par exemple pauvres en adjectifs qualificatifs.

    En revanche, à l’issue de cette évaluation, il peut être surprenant de constater que les élèves n’achoppent pas seulement sur des mots difficiles mais également sur des mots usuels comme : toujours, dans, parmi.

    Pour ce qui concerne les erreurs d’accord, il est inquiétant de constater qu’à l’entrée en sixième, les élèves ne maîtrisent pas tous l’accord du nom et du déterminant : 9,5 % au collège Clair Soleil ; 6,4 % au collège de la Belle de mai ; 8,3 % au collège d’Oraison (pourcentages donnés par rapport au nombre total des erreurs). La récurrence de ce type d’erreur n’est pas négligeable.

    Parmi les erreurs d’accord, la répartition est la suivante : (Attention, les pourcentages sont donnés par rapport au nombre total des erreurs d’accord)

     

    Pluriel des noms

    Accords adjectif - nom

    Accords sujet verbe

    Accords participe passé

    Collège d’Oraison

    32 %

    24,5 %

    20, 5 %

    23 %

    Collège de l’Estaque

    28,7 %

    28,7 %

    29,5 %

    13,1 %

    Collège de Plan de Cuques

    8,9 %

    31,7 %

    33,7 %

    25,6 %

    Collège Clair soleil

    32,6 %

    24,9 %

    27,8 %

    17,7 %

    Collège Belle – de - mai

    26, 4 %

    34,8 %

    24,6 %

    14 %

    Collège André Malraux

    26,25 %

    33,1 %

    26,5 %

    14 %

    Collège de Septèmes

    19,5 %

    47,4 %

    24,1 %

    8,8 %

    Collège de Riez

    30,8 %

    43,3 %

    19,4 %

    6,2 %

    Collège de Pertuis

    24,5 %

    32 %

    27,2 %

    16,2 %

    Collège de Briançon

    32,3 %

    31,4 %

    19,2 %

    17 %

    Score moyen de ce type d’erreurs d’accord sur l’ensemble des collèges.

    26,1%

    33,1 %

    25,2 %

    15,5 %

    Le pourcentage des erreurs de correspondance phonie-graphie semble peu important si l’on observe les résultats de chaque classe. Toutefois si l’on s’intéresse aux résultats individuels des élèves, on s’aperçoit que les écarts peuvent être considérables d’un enfant à l’autre. Ainsi, certains enfants ne commettent jamais ce type d’erreurs alors que d’autres sont beaucoup plus en difficulté : ainsi, au collège de la Belle de Mai, le pourcentage sur ce type d’erreurs peut varier de 0 à 23 % …Les élèves qui ont commis le plus d’erreurs sont en grande difficulté et nécessitent un soutien individualisé (qui relève peut-être davantage des compétences d’un orthophoniste que d’un enseignant ?).

    Les écrits réalisés dans d’autres disciplines

    Si l’on compare les erreurs commises en français et en histoire par exemple, les résultats semblent sensiblement identiques pour la grande majorité des élèves.

    Dans tous les établissements, on peut noter la non -maîtrise du vocabulaire « savant » requis en histoire (les mots de la leçon) dont l’orthographe n’a visiblement pas été apprise. Les professeurs des autres disciplines insistent-ils sur ce point précis ? Cela fait-il partie de leurs exigences ? C’est très rare. Un élève de sixième, à partir du moment où les erreurs d’orthographe ne sont pas du tout comptabilisées, peut-il être persuadé qu’il doit y faire attention ? La prise en compte de l’orthographe dans les autres disciplines semble être une nécessité. Il n’est pas question de pénaliser l’élève déjà en difficulté en français du fait de l’orthographe, mais il faudrait l’habituer à ne pas « faire attention » à l’orthographe uniquement en français, et en dictée.

    Les élèves les plus faibles ne semblent pas faire plus d’erreurs dans les copies d’histoire qu’en français mais l’écart se creuse entre ces deux types de copies pour les élèves de meilleur niveau : en effet, certains bons élèves qui ont montré en français qu’ils maîtrisaient les règles d’accord se sont trompés en histoire ; peut-être parce qu’ils se concentrent davantage sur le contenu de leur écrit. De la même façon, les signes de ponctuation et les majuscules semblent plus souvent oubliés.